Sur son site, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) définit une société civile organisée comme « des femmes et des hommes de terrain qui travaillent dans des entreprises, des syndicats, des organisations patronales, des associations ou des ONG : en bref, ce sont des personnes qui connaissent les réalités de notre quotidien ».
Au-delà de la formulation d'une nécessaire proximité de certains acteurs publics ou privés aux nécessités « du terrain », une telle définition ne laisse pas, en toute rigueur, d'interroger. Que serait en effet une société civile non organisée ou désorganisée ? Et travailler dans des structures par nature sociales, cela fait-il une société civile organisée ?
Toute société, il faut insister, n'est pas une société civile : les entreprises commerciales ou industrielles sont des sociétés, comme les regroupements criminels, les mafias qui ont leurs codes ou les « bandes de voleurs », pour reprendre une locution du juriste allemand Hans Kelsen (1881-1973). En les évoquant, celui-ci entendait distinguer l'action sous la contrainte (de voleur à voleur, par exemple) de l'action comme devoir-être, c'est-à-dire déterminée par une norme qui énonce ce qui doit avoir lieu (une loi, par exemple). Or, une société civile est fondée sur des normes, non sur des injonctions arbitraires, évidemment, mais pas plus sur des règles de plus ou moins vaste extension qui ont une fonction de régulation ou d'efficacité, comme dans des entreprises.
Il faut donc postuler que toute société civile est bien une société organisée, et elle l'est sur un autre mode que d'autres formes d'organisation sociale. Pourquoi, dès lors, par pléonasme ou redondance, insister sur le fait de son organisation et prétendre définir quelque chose de singulier par l'expression « société civile organisée » ?
La raison en est que « organisation » renvoie implicitement à autre chose qu'à un simple agencement de pièces et de fonctions, et précisément en l'occurrence, à la proximité entretenue sur la plan normatif avec « les territoires » : s'organiser, ici, c'est mailler le territoire économique, social, culturel, et aider aux politiques publiques. Autrement dit, on évoque une « société civile organisée » pour souligner le fait qu'une société civile se donne les moyens organisationnels concrets de connaître et de prendre pleinement en charge la façon dont des populations naturellement très variées, sur les territoires, vivent et interagissent entre elles et avec les structures les administrant et les institutions qui les concernent. C'est donc une société enserrée et vivifiée par une matrice résolument participative – et donc, idéalement, démocratique.
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